CHAPITRE VII
Wedge Antilles eut un petit sourire en inspectant son aile X.
Il passa les doigts le long du cône avant.
— Il a été refait, très bien !
Son escadron était déjà parti sur la face obscure de Folor. L’équipe technique avait peu à faire, car le local ne contenait plus que trois ailes X plus celle du commandant, et quelques vaisseaux hors d’usage ou les techniciens récupéraient des pièces de rechange.
Wedge tourna autour du vaisseau, examinant la propreté des tubes à torpilles. Il fit un signe de tête approbateur.
En dehors des raisons pratiques, faire avant chaque décollage une inspection de son appareil donnait un bon exemple a l’Escadron Rogue. Malgré leur statut de pilotes d’élite, Antilles voulait faire entrer dans la tête de ses hommes l’importance de ces vérifications.
Si je m’y prends bien, ils entendront parler de ma visite…
Son regard tomba sur la série de bombardiers, de chasseurs Tie et d’intercepteurs peints sur le flanc du vaisseau. Deux Étoiles Noires et une rangée de chasseurs ssi-ruuk complétaient le tableau.
La bataille a été longue. Et elle est loin d’être terminée…
Un pépiement détourna son attention.
M3 traduisit.
— Maître Zraii vous présente ses excuses. Il n’a pas pu placer tous les vaisseaux que vous avez abattus sur l’espace disponible. Ceux qu’il a peints en rouge représentent un escadron, soit douze navires. Wegde fronça les sourcils.
— J’ai une vague idée du nombre d’appareils composant un escadron, merci !
— Bien entendu, monsieur. Mais vous savez que les Verpine comptent en base six, au contraire des humains, qui utilisent la base dix.
— Parfait ! Dis-lui qu’il peut grouper les ennemis descendus comme il veut. Peu m’importe. Maintenant, j’aimerais finir mon inspection.
Antilles revint aux moteurs de tribord, où il vérifia les vannes du système de réfrigération. Il constata que les lentilles des projecteurs de déflecteurs avaient été changées. Les boucliers étaient l’avantage majeur des ailes X sur les chasseurs Tie. Son équipe prenait soin de cet élément important.
Il examina ensuite les canons laser jumelés montés à l’extrémité des stabilisateurs du vaisseau. Il vérifia le jeu. Quelques centimètres, parfait ! Au-delà, les lasers risquaient de dévier pendant le tir.
— M3, demande à Zraii à quelle portée il a réglé la convergence des canons ?
— Deux cent cinquante mètres, commandant, répondit le droïd après un rapide échange de clics et de bourdonnements.
— Bien.
Lors de la bataille contre l’Étoile Noire, la portée de convergence des quatre rayons laser était de près de cinq cents mètres, une distance idéale pour des cibles au sol immobiles. En combat spatial, une portée inférieure augmentait les chances de frapper un coup fatal.
Les différents composants des canons semblaient en parfait état. Wedge alla à l’arrière de l’aile X, où il examina les systèmes électriques, les générateurs de déflexion, les ports d’échappement et les jauges des cellules d’alimentation. Les stabilisateurs et les canons de bâbord étaient en bon état.
Revenu à l’avant, il fit un signe approbateur au technicien verpine.
— Le vaisseau est comme neuf.
M3 traduisit. L’insectoïde bourdonna, puis flanqua une tape amicale dans le dos de Wedge.
— Qu’a-t-il dit, M3 ?
— Qu’il adore restaurer ce type d’antiquité. Et qu’il a pris la liberté de faire quelques modifications mineures destinées à améliorer les performances.
— Splendide !
Wedge sourit un peu jaune. Les Verpine étaient les meilleurs techniciens de la galaxie. Dotés d’une vision exceptionnelle, ils repéraient des défauts littéralement microscopiques. Mais ils étaient aussi connus pour « arranger » les vaisseaux dont ils s’occupaient – en oubliant que la plupart des autres espèces ne disposaient pas de leur vue perçante et ne raisonnaient pas en base six.
Wedge monta dans le cockpit. Il regarda l’astromech sans le reconnaître. Puis il réalisa qu’il s’agissait d’un modèle R5, dont la tête ressemblait à un pot de fleurs. Wedge préférait le modèle plus ancien, le R2 en forme de dôme, car il faisait une cible plus difficile à atteindre.
Wedge s’assit au poste de pilotage, où il eut une bonne surprise : une des améliorations de Zraii consistait en un rembourrage beaucoup plus confortable de son siège éjectable.
Il boucla son harnais et mit les systèmes en marche. Les moniteurs et les voyants s’éclairèrent.
Le R5 indiqua que les systèmes étaient fonctionnels. Wedge mit son casque et appuya sur l’unité de communication.
— Rogue Leader demande l’autorisation de décoller au Contrôle de Folor.
— Rogue Un autorisé à voler. Bon voyage, commandant.
— Merci, Contrôle.
Wedge coupa les générateurs de répulsion et accéléra. Le chasseur s’éleva gracieusement au-dessus du pont du hangar.
Un décollage impeccable était bon pour le moral des troupes, qui en parleraient pendant quelques jours…
Wedge fit passer l’aile X dans la bulle magnétique de rétention d’atmosphère, puis dans le vide de l’espace. Il lança à pleine puissance ses moteurs à poussée fusionnelle 4L4 et s’éloigna de la base. Puis il fit décrire au chasseur un arc en direction de l’horizon.
L’écran indiquait un rendement à cent cinq pour cent des moteurs – sans doute un résultat de l’intervention du Verpine. Wedge passa à soixante-dix pour cent, puis à soixante-cinq. Les stabilisateurs à l’origine du nom des ailes X se déplièrent et se verrouillèrent.
En haut de l’écran, Antilles vit que le nom de son unité R5 était Mynock.
— Pourquoi t’appelles-tu Mynock ? demanda Wedge. Parce que tu es puissant ?
Le droïd bourdonna.
Sa réponse s’inscrivit sur l’écran.
— Un pilote a dit un jour que je criais comme un mynock lors des combats. C’était une calomnie, commandant.
— Je comprends. Personne n’aime être comparé à un rat de l’espace. Peux-tu régler le compensateur d’accélération sur une gravité de 0,05 ?
L’astromech obéit. Wedge se sentit aussitôt plus à l’aise. Normalement, les compensateurs créaient une poche de gravité nulle pour l’engin et son pilote. Cela évitait aux hommes de perdre connaissance à cause des problèmes de pression sanguine. Mais Wedge trouvait qu’une gravité zéro l’isolait trop de la réalité, un peu comme s’il essayait de ramasser des grains de sel avec des gants. Piloter demandait une mobilisation de tous les sens. La gravité nulle éliminait la plus grande partie des sensations tactiles et kinesthésiques.
Et ça peut être la fin d’un pilote.
Wedge était persuadé que certains hommes étaient morts bêtement à cause de ce problème. Par exemple, Jek Porkins, qui réglait toujours ses compensateurs sur la pleine puissance. Il s’était écrasé sur la première Étoile Noire en essayant de redresser son vaisseau après une attaque. Sans les compensateurs, il aurait peut-être réalisé que sa trajectoire n’était pas bonne.
Il faut apprendre aux gosses à voler sans leur compensateur au maximum.
Wedge sourit. À part Gavin, les pilotes de l’Escadron Rogue étaient de son âge, sinon plus vieux. Il pensait à eux comme à des « gosses » parce qu’ils n’avaient pas connu les batailles auxquelles Tycho et lui avaient participé.
Avec ce que nous leur apprendrons, ils survivront peut-être un peu plus longtemps que les autres…
Il repéra sur l’écran une douzaine d’autres vaisseaux. Passant sur la fréquence tactique qu’il partageait avec Tycho, il demanda :
— Tout est en ordre ?
— Affirmatif. Ils ont un peu rouspété de devoir partager l’auge à cochons…
— Ça ne m’étonne pas. Je passe sur la fréquence Tactique-Un.
— Bien reçu.
Wedge bascula sur la fréquence générale. Il entendit la fin d’un commentaire de Rogue Neuf, Corran Horn.
— … des porcs aveugles, moches et lents !
— Je suis sûr que vos camarades qui pilotent des ailes Y seront ravis de connaître votre avis sur leurs vaisseaux, Rogue Neuf !
— Désolé, monsieur.
Les récriminations contre les ailes Y n’étaient pas nouvelles. Les ailes B avaient été conçues pour remplacer à terme les ailes Y Mais la production n’allant pas vite, nombre de vieux appareils étaient encore en service.
Leur surnom de « porcs aveugles » avait entraîné celui d’« auge à cochons » pour l’aire de tir de Folor.
— Votre travail d’aujourd’hui sera une séance classique d’entraînement sur l’aire de tir. Vos résultats seront notés en fonction de la précision et de la vitesse. Si vous êtes touchés, vous perdrez des points. En cas de problème de matériel, arrêtez-vous. Vous aurez droit à un autre essai après les réparations. Nous ne voulons perdre ni pilote, ni engin. Ne faites rien de stupide. Des questions ?
— Monsieur, dit la voix de Corran Horn, nos lasers sont réglés à deux cent cinquante mètres. C’est un peu juste pour les cibles au sol.
— C’est vrai. À vous d’être plus rapide et plus précis, monsieur Horn.
— Oui, monsieur.
Wedge sourit.
— Parfait. Vous aimeriez peut-être commencer ? M. Qrygg sera votre équipier.
— Oui, monsieur ! lança Horn avec enthousiasme. Je passe en mode d’attaque air-sol.
— Bonne chance, Horn.
Wedge déconnecta son unité de communication.
— Mynock, envoie les données du R2 de Horn au capitaine Celchu.
Il repassa sur la fréquence tactique.
— Capitaine, vous allez recevoir les données de Rogue Neuf.
— Ça va être intéressant ! Ce type en veut !
— C’est vrai. Il veut surtout dépasser tous les autres. Je crois qu’il faut lui donner un autre genre de leçon aujourd’hui. Voilà ce que nous allons faire…